vendredi 13 mars 2015

Rapport d’enquête publique : tout ça pour ça !

Le rapport du commissaire-enquêteur sur le projet GECINA vient d’être publié, et bien que nous étions sans grande illusion sur ses conclusions (cf. l’enquête sur le Plan Local d’Urbanisme, PLU), il a quand même réussi à nous étonner : ce rapport est à ce point favorable au projet qu’il s’en dévalorise lui-même.
Le Code de l’Environnement stipule en effet que « le rapport comporte une synthèse des observations du public, une analyse des propositions et contre-propositions produites pendant l’enquête ». Mais lorsque « le Commissaire se borne à renvoyer au dossier élaboré par le pétitionnaire, dont il s’approprie la teneur sans indiquer avec une précision suffisante et de manière personnelle les motifs qui le conduisent à écarter les nombreuses observations dont certaines très argumentées », la jurisprudence le sanctionne en déclarant l’enquête entachée d’illégalité…
Le rapport extrait de façon confuse, au prétexte de synthèse, des passages tronqués de nos observations ce qui les rend souvent incompréhensibles. Il ne fait, pour l’essentiel, que relayer les déclarations de la municipalité et du promoteur ; il se contente d’affirmer de façon parfois péremptoire sans démontrer. Le rapport est donc candidat au renforcement de la jurisprudence précitée.
Nous avons relevé quelques arguments du commissaire-enquêteur contenus dans le rapport, arguments dont on appréciera la pertinence :
. Problèmes de circulation : « La circulation rue de la Ronce, où le stationnement devient anarchique à l’heure de la rentrée des classes du fait des incivilités des parents, ne devrait pas s’aggraver »
. Nombre de parkings insuffisants : « Je n’ai pas relevé de contre-propositions des résidences voisines qui se proposeraient de céder des espaces autour de leurs bâtiments pour que des places de parkings soient créées… C’est un exemple-type du syndrome ‘NIMBY’, Not in my backyard : Pas dans mon jardin. »
. Contre-propositions : elles « portent généralement (nous dit-il) sur une réduction drastique du projet, que le promoteur avait déjà accepté de réduire. Il n’envisage pas semble-t-il de modifier sa demande de permis de construire, ce qui est légitime ». La municipalité  sur ce thème insiste même sur les « modifications substantielles auxquelles GECINA a consenti », et qualifie toute contre-proposition de « complétement irréaliste ».
Nous sommes heureux d’apprendre ainsi que GECINA ne s’est pas plié aux nouvelles règles édictées par le PLU, déjà trop peu contraignantes, mais que c’est le promoteur qui a consenti, « accepté » de réduire le programme à 125 logements. Est-ce à dire que c’est GECINA qui a défini, dans le cadre du PLU, ce qui était constructible ou non pour le Domaine de la Ronce, prenant ainsi la main sur l’urbanisme de la ville ? Surréaliste.
Conclusion du commissaire-enquêteur : « J’estime enfin qu’il est ‘d’intérêt général’ pour la ville et pour GECINA d’augmenter son parc immobilier… » Parfaite concordance d’intérêt donc reconnue entre la ville et GECINA.
Nous aurions d’autres perles du même style à citer, mais nous ne voulons pas lasser le lecteur, et il faut aussi donner quelques exemples d’oublis significatifs :
. Les deux points forts de notre argumentation concernant le SCOT : le pôle de développement de la ville situé au nord et non au sud, et la notion de « parcs et jardins remarquables à préserver » pour les Abords des Etangs sont éludés. Même si le promoteur, soudain lyrique, nous entretient de « biodiversité urbaine », et d’évolutions « pour faire en sorte que nature et urbanité dialoguent au profit de la préservation de l’environnement »… Illustration du « dialogue » selon GECINA : 132 arbres abattus.
. La concertation qui aurait dû être conduite tout au long de l’élaboration du programme est passée sous silence au motif -on suppose- que « le commissaire-enquêteur (selon lui) n’a pas à dire le droit ». Et même, face à certaines demandes d’information, la municipalité répond « ces éléments font partie du dossier de permis de construire qui sera rendu public une fois que la décision d’accorder ou non le permis aura été prise par le maire ». Ce qui démontre le maintien du secret de l’instruction du permis, et une volonté de ne pas informer convenablement le public préalablement à l’enquête.
. Les grossières erreurs de l’étude d’impact susceptibles de modifier le jugement porté sur le projet ? Même pas rectifiées, passées à la trappe.
Quelle sera la suite de ce rapport désinvolte et défaillant ? Il n’est qu’un épiphénomène. Nous attendons la décision du maire sur le permis : il dispose, d’une part, d’un rapport peu crédible mais favorable à GECINA qui s’ajoute aux trois lignes de l’avis motivé de l’Architecte des Bâtiments de France (ABF) et au profond silence de l’Autorité environnementale, et, d’autre part, d’une consultation du public qui a confirmé la totale hostilité au projet. Où saura-t-il situer l’intérêt général, du côté du promoteur, ou de ses concitoyens ?
Si le permis était accordé et si nous étions donc obligés d’aller au Tribunal pour le contester, la mobilisation pour l’enquête publique n’aura pas été vaine : les observations produites demeurent, et ce sera au juge de les apprécier. Notre dossier est solide. Il se trouve même, d’une certaine façon, conforté par la faiblesse tant du rapport du commissaire-enquêteur que des réponses du promoteur et de la Mairie.
Le maire, qui alerte dans son dernier édito de VA Info sur le risque de la montée du populisme et sur la démocratie en péril, devrait méditer sur le sentiment qu’un tel dédain du public, que traduisent les conclusions de l’enquête, peut susciter chez ses concitoyens. Le bons sens et le droit sont de notre côté.
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